Mardi soir, les chaînes de télé américaines passaient en boucle des images en noir et blanc d'une autre époque, montrant les hommes du président au moment du pire scandale de l'histoire des États-Unis, le Watergate, qui a conduit à la démission de Richard Nixon. Partout dans les médias, sur Twitter, au Congrès, tout le monde faisait le rapprochement avec le « Massacre du samedi soir », ce jour d'octobre 1973 où Nixon a décidé la mise à pied du procureur indépendant Archibald Cox chargé de l'enquête sur le cambriolage de l'immeuble du Watergate. Elliot Richardson a refusé et manifesté son opposition en démissionnant, tout comme son numéro deux. C'est finalement Robert Bork, le numéro trois qui a appliqué les ordres de Nixon.
« C'est Nixonien », a tweeté mardi le sénateur démocrate Bob Casey après l'annonce du limogeage de James Comey, le patron du FBI, par Donald Trump.
Mais le parallèle s'arrête là. À l'automne 1973, Nixon est très mal en point. Les enquêtes ont montré que le cambriolage et la volonté d'étouffer l'affaire remontaient jusqu'à la Maison-Blanche. Il a du limoger des conseillers, accepter la nomination d'un procureur indépendant et il est désormais acquis qu'il existe des enregistrements. Et il n'est pas allé cependant jusqu'à débarquer le patron du FBI comme le fait remarquer un tweet moqueur de Bibliothèque présidentielle de Nixon qui a posté une photo de l'ex-président avec ce texte : « Fait amusant : le président Nixon n'a jamais limogé le directeur du FBI. »
C'est la première fois qu'un président vire le chef du FBI alors qu'une enquête contre ses conseillers et son équipe est en cours. Il est trop tôt pour savoir si le limogeage de Comey aura les mêmes conséquences que le renvoi de Cox.
La première tâche de la Maison-Blanche est de lui trouver un remplaçant. Mais il va falloir qu'il soit confirmé par le Sénat ce qui augure une bataille homérique, car, quel que soit le candidat, il sera considéré avec suspicion y compris au sein de l'Agence, où James Comey était populaire. Une fois en poste, il pourra demander à examiner l'intégralité du dossier des relations entre l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie. Il pourra ainsi freiner le processus ou même y mettre un terme.
Mauvais timing
Parallèlement, sur ce même dossier, les enquêtes du Sénat et de la Chambre des représentants se poursuivent. Mais pour le moment, le Congrès n'a guère montré de diligence. Dans certains cas, il semble même avoir freiné des quatre fers. Il y a quarante-cinq ans, le refus de Nixon de coopérer avec la justice avait suscité une opposition jusque dans le camp républicain. Mais le climat toxique qui règne à Washington n'est pas au rapprochement entre démocrates et républicains, même face à une action aussi extraordinaire que le limogeage de James Comey. Les démocrates et une poignée de républicains demandent la nomination d'un procureur indépendant, d'autres réclament une commission spéciale, ainsi du sénateur John Mc Cain. Mais une telle commission n'a pas, en général, de pouvoir judiciaire et se contente d'écrire un rapport.
Pire que le Watergate
Donald Trump a toujours dit que toute publicité, même mauvaise, était bonne à prendre. Mais ce renvoi aussi brutal risque de se retourner contre lui. Selon le site d'information Politico, le président est furieux de la couverture du scandale sur les liens avec la Russie. Il a particulièrement mal pris le fait que Comey ait affirmé devant le Sénat que Barack Obama ne l'avait pas mis sur écoutes, ce qui revenait à dire que le président était un affabulateur. Mais virer le patron du FBI remet l'affaire russe au premier plan et fait planer le soupçon que Donald Trump a quelque chose à cacher alors que, jusqu'ici, il n'y a pas eu de preuves de son implication personnelle.
« Le timing du renvoi est très troublant », a résumé le sénateur républicain Ben Sasse. « La conclusion inévitable… est que le président voulait arrêter ou étouffer l'enquête », renchérit Richard Blumenthal, autre sénateur démocrate. L'édito du New York Times est encore plus cinglant : « M. Comey a été limogé, car il menait une enquête active qui pouvait faire tomber le président . » Il ajoute que la situation actuelle est plus grave que celle du Watergate : « Il n'y a pas de procureur spécial en place pour déterminer si la confiance du public a été violée et si la présidence a été effectivement volée par une puissance étrangère hostile. Pour cette raison, le pays a atteint un moment encore plus dangereux. »
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