La situation à l’est de la RDC sera au cœur d’un sommet de chefs d’État de la communauté est-africaine prévu ce samedi 4 février au Burundi. Sur le terrain, les combats contre le M23 sont signalés au nord de Sake.
Le cessez-le-feu a volé en éclat. Depuis la mi-janvier, de violents combats opposent à la frontière, entre les territoires du Rutshuru et du Masisi, les militaires congolais et le M23. Certes, les rebelles ont dit s'être repliés fin décembre de Kibumba au nord de Goma et début janvier du camp de Rumangabo, mais depuis la force est-africaine n’a pas récupéré de nouvelles positions.
Le front s’est même déplacé vers l’ouest et « c’est la débandade pour la population », témoigne un responsable de la société civile du Masisi. D’importants mouvements de déplacés accompagnent les évolutions sur la ligne de front qui se trouve à environ une trentaine de kilomètres au nord de Sake. Il n’y a quasiment pas d’assistance pour ces déplacés de plus en plus nombreux, ajoute le responsable.
Pour beaucoup d’analystes, cette localité est la prochaine cible de la rébellion. La prise de cette importante ville permettrait d’isoler totalement Goma, la capitale du Nord-Kivu. Un scénario que redoute notamment la société civile qui met en avant les difficultés d’approvisionnement et qui alerte sur la crise humanitaire en cours dans la province.
Ce 3 février, la Monusco, la mission de l’ONU dans le pays, a annoncé qu’elle allait sécuriser un convoi qui doit partir de Goma pour atteindre Kitshanga, dont les rebelles se sont emparés la semaine dernière. Objectif : apporter de la nourriture et des fournitures médicales aux déplacés qui ont trouvé refuge dans et autour de la base des Nations unies.
Depuis la fermeture de cette route Goma-Saké-Butembo, les transporteurs font face à de nombreuses difficultés.
Il y a déjà quelques mois, les transporteurs de Goma avaient dû s’adapter à la coupure de la route nationale 2 qui relie la capitale provinciale du Nord-Kivu à l’Ouganda. Ils ont ensuite vu les combats se rapprocher de l’autre axe reliant Goma à Butembo avant que celui-ci ne devienne impraticable en raison de l’insécurité. Certains transporteurs disent avoir été pillés ces derniers jours sans pouvoir en désigner les auteurs.
Désormais, ils ne leur restent plus qu’une seule solution de contournement : « Concrètement, nous passons par le Rwanda et l'Ouganda en descendant sur Kasindi. Bien sûr cela augmente les coûts de carburant et toutes les charges. Nous ne savons pas comment nous allons pouvoir continuer comme ça, passer par d'autres pays pour retourner dans notre pays », dit l'un d'eux.
Traverser trois frontières pour acheminer les marchandises sur Goma, « c’est intenable », selon les transporteurs. À Goma, le ravitaillement était déjà compliqué, il va devenir « impossible » préviennent-ils.
Félix Tshisekedi et Paul Kagame attendus à un sommet à Bujumbura
La situation à l’est de la RDC sera au cœur d’un sommet de chefs d’État de la communauté est-africaine (EAC) prévu ce samedi 4 février 2023 à Bujumbura, au Burundi. Sont attendus tous les présidents de la région, dont le Congolais Félix Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagame, qui ne se sont plus rencontrés depuis septembre 2022 à New York.
Les deux pays sont en crise depuis le retour de la rébellion armée du M23 dans le Nord-Kivu, il y a plus d’un an. Un processus signé à Luanda en novembre devait parvenir à un cessez-le-feu et à un retrait des rebelles des zones occupées. Ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui.
Ce sommet était prévu depuis novembre, renseignent des sources à l’EAC, explique notre correspondant à Kinshasa, Patient Ligodi. Il est censé porté sur l’évaluation des résolutions de la feuille de route convenue à Luanda, l’année dernière. Sa programmation ce samedi se justifie davantage, ajoutent les mêmes sources, par la dégradation de la situation sur le terrain, la reprise de l’offensive du M23 et le regain de tension entre Kinshasa et Kigali.
Félix Tshisekedi n’attend qu’une chose de cette réunion, comme le dit le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula : un mandat offensif pour la force régionale de l’EAC.
« Comme on dit en droit international, "Pacta sunt servanda", des accords signés tiennent les parties qui les exécutent de bonne foi. Ça n’a pas été respecté, maintenant, il faut mettre en mouvement l’autre mécanisme qui reste, c’est l’intervention militaire. Il faut que la force régionale passe à l’action. Est-ce que vous pouvez me dire que la force régionale est passée à l’action ? Non. »
Du côté des partenaires européens, on est conscient de la gravité des tensions entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Et on souhaite éviter le pire, renseigne Hadja Lahbib, ministre fédérale belge des Affaires étrangères, en visite de travail à Kinshasa.
« Il faut le dire, les tensions sont extrêmes. Nous voulons absolument que soit évitée une escalade du conflit qui conduirait à une guerre ouverte. Je pense que cette région de l’est du pays a suffisamment souffert. Il convient plutôt d’appeler toutes les parties à se parler et à appliquer le processus de Luanda et le processus de Nairobi. »
S’il avait boycotté la réunion prévue le 23 janvier au Qatar jugé très proche du Rwanda, Félix Tshisekedi tient cette fois à participer à la réunion de Bujumbura qui, selon son entourage, pourrait avoir des conséquences directes sur le processus de paix.
rfi