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On disait le parti du vieil opposant décédé Étienne Tshisekedi au bord de l'implosion. Après un mois d'atermoiements, de brouilles internes, d'hésitation, l'opposition congolaise vient de tourner un page de son histoire, et se dote finalement d'une nouvelle direction. En choisissant Félix Tshisekedi, fils de feu l'opposant historique comme président du Rassemblement et l'ancien ministre Pierre Lumbi, président du G7 et désormais président du conseil des sages, l'objectif affiché est de bousculer la majorité au pouvoir. En effet, en se dotant de nouveaux dirigeants, l'opposition peut enfin entamer les dernières discussions sur l'application de l'accord de cogestion du 31 décembre 2016 actuellement à l'arrêt. C'est, dans tous les cas, ce qu'elle veut croire. Désormais, il revient aux deux dirigeants du Rassemblement et au nouveau président du Conseil des sages de proposer au chef de l'État le nom de celui qui doit conduire le pays aux élections fixées à la fin de l'année 2017.

Une direction de choc ?

« Le président du Rassemblement (Félix Tshisekedi) représente et engage la coalition auprès des tiers, alors que le président du Conseil des sages (Pierre Lumbi) assumera, dans le cadre de la mise en application de l'accord du 31 décembre, les fonctions du président du Conseil national de suivi de l'accord (CNSA) » qu'occupait Étienne Tshisekedi avant son décès, a expliqué M. Sessanga. Conseiller spécial en matière de sécurité de Kabila (2011-2015), Pierre Lumbi est l'un des sept frondeurs du Groupe de sept partis (G7) qui avaient quitté la majorité en septembre 2015 pour dénoncer les manoeuvres du chef de l'État afin de s'accrocher au pouvoir.

Pas l'unanimité

« Certaines ambitions sont offusquées », a reconnu M. Sessanga, faisant allusion à trois responsables de petits partis du « Rassemblement » qui n'ont pas accepté cette restructuration en quittant la réunion. À l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti phare du Rassemblement, un responsable a déclaré à l'AFP sous le couvert de l'anonymat que « cette restructuration est la conséquence de la naïveté et du manque d'expérience politique de Félix Tshisekedi », sans toutefois la remettre en cause.

D'autres, comme l'opposant Jean-Pierre Lisanga Bonganga, joint au téléphone par Politico.cd, déclare : « Nous voulons qu'on prenne en compte deux choses : l'opportunité et le reflet du combat d'Étienne Tshisekedi. Sans contester l'élection de Félix Tshisekedi comme président du Rassemblement, nous trouvons que ce poste est inopportun par rapport aux exigences de l'accord du 31 décembre. Pierre Lumbi, ancien conseil de Joseph Kabila en matière sécuritaire, est un kabiliste qui ne reflète pas le combat d'Étienne Tshisekedi pour le succéder à la tête du Conseil des sages. »

« Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi ont la mission de ramener toutes les brebis égarées dans la maison. Ils ont la mission de recoller tous les morceaux », a affirmé Christophe Lutundula sur les ondes congolaises de radio Okapi. Répondant à la crainte de certains de voir une opposition avec « deux chefs » et des divisions, « le problème n'est pas de crier Tshisekedi partout, mais de faire en sorte que nous restions ensemble. Nous continuons notre travail et nous appelons tout le monde à l'unité », a-t-il ajouté.

Où en est l'application de l'accord du 31 décembre ?

Emblématique et populaire, Étienne Tshisekedi est entré en dissidence contre le régime de Mobutu en 1980, avant de s'opposer à ses successeurs, Laurent-Désiré Kabila (1997-2001), puis son fils Joseph Kabila. Son décès le 1er février puis les tergiversations ont bloqué l'application de l'accord de cogestion conclu le 31 décembre sous l'égide de l'épiscopat de la RDC entre le pouvoir et l'opposition après le maintien au pouvoir de Joseph Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter.

Pour débloquer les discussions, Joseph Kabila, par l'intermédiaire des évêques catholiques, a demandé au Rassemblement de choisir un remplaçant à Tshisekedi. Ce dernier devra lui présenter ensuite trois candidats pour le poste de Premier ministre, fonction qui revient à l'opposition dans le cadre de l'accord. Sauf surprise, le processus semble bel et bien relancé.

 

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