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Zut ! Luzolo Bambi Lessa refait surface. Avec fracas ! Dans une correspondance adressée le 4 août 2017 au Procureur général de la République, le conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme fait état de « quatorze dossiers bien documentés » portant sur les détournements publics, corruption, fraude fiscale et douanière. D’ores et déjà, avise-t-il, ces dossiers sales représentent un manque à gagner de plusieurs millions USD pour le Trésor. 

On le croyait jeté dans les oubliettes. Pas du tout. Nommé dans le pré-carré du chef de l’Etat comme conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, blanchiment des   capitaux et le financement du terrorisme, le professeur Luzolo Bambi Lessa ne se lasse pas de remplir la mission lui confiée par le président de la République. Après une première tentative ratée, Luzolo Bambi vient de transmettre aux services du Procureur général de la République une série de dossiers faisant état de « détournements des deniers publics, corruption, fraude fiscale et douanière ».

Selon sa correspondance du 4 août 2017 adressée au PGR, le conseiller spécial du chef de l’Etat fait part de « quatorze dossiers bien documentés, regroupés en huit émanant des enquêtes diligentées et bouclées » par ses services. Si sa correspondance ne mentionne pas clairement les personnes visées, du moins elle en dresse un portrait-robot. Sont spécialement mis en cause,« des hauts fonctionnaires de l’Etat, des mandataires publics, des hommes d’affaires nationaux et étrangers, des responsables des banques commerciales ainsi que de la Banque centrale du Congo ».

Le Prof. Luzolo Bambi attend voir le PGR faire prévaloir pleinement ses prérogatives constitutionnelles. « Au moment où notre pays traverse une crise financière caractérisée par un manque criant de devises étrangères, je fais appel à votre sens élevé de patriotisme et de justice pour aider le chef de l’Etat à combattre la fraude fiscale et douanière, la fuite des capitaux et le non-rapatriement des devises, la spoliation des immeubles de l’Etat ainsi que le détournement des deniers publics », écrit-il.

Comme pour pousser le PGR à s’inscrire courageusement dans la vision du chef de l’Etat, il rappelle que « l’objectif de cette opération est de soutenir le président de la République dans sa lutte contre l’impunité pour restaurer l’autorité de l’Etat et moraliser la vie publique dans notre pays ».

Ping-pong

Le professeur Luzolo n’est pas à sa première tentative dans le sens de dénonciation des faits de détournements des deniers publics, corruption et fraude de tous genres. En 2015, juste après sa nomination à ce poste, le conseiller spécial avait initié une démarche similaire en sollicitant une nette implication du PGR. Malheureusement, sa tentative s’est soldée en eau de boudin, le dossier ayant été étouffé dans l’œuf. Contre l’intransigeance du PGR à accéder à sa demande, le professeur Luzolo était monté sur ses quatre chevaux, dénonçant de grandes entorses dans le fonctionnement des services du PGR.

Fort de sa casquette Luzolo Bambi était allé, dans une correspondance adressée au président de la République le 20 juin 2016, jusqu’à accuser le Procureur général de la République d’obstruction à ses missions. «Depuis quatre mois, écrivait-il, mon service a ouvert une série d’enquêtes sur les très graves détournements des deniers publics et corruption avérés à charge de certains mandataires et hauts fonctionnaires de l’Etat d’une part et à charge de quelques gouverneurs de province pour détournements des rétrocessions aux entités territoriales décentralisées et aux provinces d’autre part». Et de renchérir en ces termes : «Le stade atteint par ces enquêtes aujourd’hui recommande le recours aux mesures de contrainte, en l’occurrence le mandat d’amener contre certains récalcitrants que le Parquet a été invité à mettre à la disposition de mon service».

«Malheureusement, dénonça-t-il, contrairement à l’esprit de collaboration, le Procureur général de la République vient d’interdire au Procureur général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe d’émettre des mandats d’amener en faveur de mon service». S’adressant au président de la République, le professeur Luzolo faisait remarquer qu’« entêtés par des personnalités politiques d’envergure, beaucoup de ces mandataires avaient commencé à se soustraire délibérément aux enquêtes en esquivant les invitations leur lancées ou en provoquant des voyages fantaisistes et dépensiers à l’intérieur ou l’extérieur du pays».

Les services du PGR se plient à la procédure

La dernière correspondance du professeur Luzolo n’a pas laissé indifférents les services du parquet général de la République. Loin de raviver la polémique de 2016, les services du PGR semblent plutôt jouer à l’apaisement. Ils sont d’avis que la lettre du conseiller spécial Luzolo n’est pas une injonction qui les oblige à agir hic et nunc. Ils l’assimilent, cependant à une simple dénonciation et non à un dossier judiciaire qui devrait enclencher automatiquement une action en justice.

Les mêmes services du PGR indiquent que les personnes mises en cause dans la correspondance du professeur Luzolo sont justiciables devant la Cour d’appel de la Gombe. Ils confirment avoir transmis à qui de droit – sans doute au procureur près la Cour d’appel de la Gombe - des éléments contenus dans la lettre du 4 août 2017.

Dans tous les cas, les services du PGR notent qu’une action judiciaire ne peut être actionnée à leur niveau que sur injonction du ministre de la Justice – qualité qu’il dénie au professeur Luzolo. « Seul un office judiciaire ou une juridiction de parquet peut transmettre un dossier judiciaire ; même pas un OPJ qui transmet juste un procès-verbal », a tenu à préciser un proche collaborateur du PGR.

Comme en 2016, un grain de sable obstrue toujours la voie d’une collaboration sans accroc entre le professeur Luzolo et le PGR. Si le PGR est resté silencieux sur la dernière lettre du professeur Luzolo, préférant s’en décharger en la transmettant directement à la Cour d’appel de la Gombe, on s’attend à de grands tiraillements entre les deux personnalités. En effet, les limites de compétences entre les deux ne sont pas clairement établies, si bien que de graves dissensions continuent toujours à les opposer.

Est-ce que, en tentant une nouvelle fois de rentrer dans l’arène, le conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme parviendra-t-il à faire fléchir le PGR ? Difficile à dire.

 

Avec le Potentiel