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* Au nom de la paix sociale, les Congolais attendent du Chef de l'Etat, d'importantes décisions dont une table ronde de réconciliation dans son message du 30 juin à la Nation.

La République démocratique du Congo célèbre, ce dimanche 30 juin, le 59ème anniversaire de son accession à l'indépendance. Cette solennité a lieu dans un contexte de tension politique, consécutive aux Arrêts de la Cour constitutionnelle, en rapport avec les contentieux électoraux des législatives nationales du 30 décembre dernier. Trois semaines après, ce verdict suprême de Hauts magistrats, rendu public tard dans la nuit de lundi 11 au mardi 12 juin finissant, demeure encore au centre d'une vive controverse.

L'opinion se rappelle qu'à la suite du tôllé général suscité par lesdits Arrêts, le Chef de l'Etat Félix Antoine Tshisekedi avait reçu en audience le Président de la Cour constitutionnelle. Au cours de cet entretien, lundi 17 juin à la Cité de l'UA à Kinshasa, le Président avait fait remarquer à Benoît Lwamba que la Haute Cour avait très largement dépassé le délai constitutionnel de 60 jours reconnue à cette haute juridiction pour traiter toutes les requêtes en contestation des résultats des élections et rendre ses Arrêts subséquents.

Ainsi, compte tenu de la tension sociale de plus en plus persistante, Fatshi avait demandé au président de la Haute Cour, d'instituer une chambre spéciale chargée de réexaminer les différents recours des députés invalidés, en vue de corriger les erreurs matérielles éventuelles. Vu des analystes, l'implication du Chef de l'Etat dans ce dossier a été perçu comme un signal fort, dans le sens de faire baisser la tension sociale. A ce jour, les Congolais attendent encore les conclusions, mieux les délibérations de cette commission ad hoc de la Cour constitutionnelle.

LE SCHEMA SAMY

Après la rencontre Fatshi - Lwamba, ce fut le tour de Samy Badibanga, Autorité morale de la plateforme "Les Progressistes", de faire sa lecture des Arrêts querellés de la Haute-Cour. " Les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle, au sommet de la pyramide juridictionnelle, laissent planer un doute sur la vérité des urnes, qui remet en cause l'état de droit et plongent aujourd'hui la nation dans la confusion et la défiance envers les institutions. C'est la légitimité des autorités publiques, et en particulier, de l'Assemblée nationale et du Gouvernement à venir, qui est en question", postule le Bureau politique de la plateforme "Les Progressistes", dans son communiqué de presse du 18 juin.

" (…) Constatant les différentes tensions observées sur toute l'étendue du territoire national, à la suite de la situation politique de l'heure, par rapport au travail de la CENI et de la Cour constitutionnelle, Les Progressistes attirent l'attention de toute l'opinion tant nationale qu'internationale sur les dangers qui menacent la Nation et les risques de son implosion si aucune mesure de réconciliation républicaine n'est envisagée", avait renchéri le regroupement politique cher à Samy Badibanga, dans son message.

Dans sa lecture de la situation sociopolitique actuelle de la RD Congo, "Les Progressistes" s'appuie sur l'exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 où le constituant rappelle que "depuis son indépendance le 30 juin 1960, la RD Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l'une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs… ".

Postulant que "la volonté populaire est le fondement de la légitimité des autorités publiques", Samy en est arrivé à la déduction "le défaut de confiance dans les résultats des élections législatives créé un déficit de légitimité des autorités publiques, auquel s'ajoute la perception ou la réalité de la corruption, qui sont à la source d'une crainte légitime du peuple congolais".

Face à ce tableau synoptique qu'il dresse de la situation politique actuelle du pays, l'Autorité morale de "Les Progressistes" n'entendait pas seulement s'arrêter aux incantations et lamentations. Etant donné que l'humanité ne créé que des problèmes qu'elle peut résoudre, Le regroupement politique de la 11ème rue du quartier Industriel de Limete, pense qu'"il est encore possible de ramener la paix sociale, perturbée par les Arrêts de la Haute Cour. En guise de remède". Les progressistes ont recommandé et demandé au Chef de l'Etat " de convoquer au tour d'une table de réconciliation, une rencontre des acteurs politiques et les forces vives de la Société civile, représentatives du peuple détenteur de la souveraineté nationale, afin de remédier à la situation périlleuse de nos institutions, et permettre que le peuple congolais se réconcilie avec ses dirigeants et ses institutions ".

LA CENCO SUR LES PAS DE SAMY

" Plus les jours passent, nous constatons que la situation n'évolue pas. L'élan pris pour l'avènement d'une nouvelle ère a été brisé par de sérieuses entraves de tous ordres. Cet état e choses compromet l'avenir de notre pays sur plusieurs plans ", déclarent les évêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), dans leur message de la 56ème plénière de leur Assemblée plénière, tenue du 17 au 21 juin à Kinshasa.

Sur le plan socio-politique, les princes de l'Eglise catholique en RD Congo se sont déclarés plus que préoccupés par le temps pris pour les négociations en vue de la désignation des animateurs de certaines institutions, en l'occurrence le Bureau du Sénat et le Gouvernement. " Cette manière d'agir, dans le contexte de notre pays, porte de graves préjudices au bon fonctionnement de l'Etat ", ont-ils fait remarquer.

Sur le plan de la Justice et des droits humains, la CENCO avait relevé que la Justice est l'un des piliers d'un Etat de droit. Elle garantit une nation. " Malheureusement, dans notre pays, elle est mal rendue, gangrenée par la corruption et instrumentalisée par la politique ".

Aussi, au nom du changement voulu par le peuple congolais, les évêques recommandent-ils au Chef de l'Etat : " d'assumer pleinement ses responsabilités de Chef de l'Etat, de changer le système de gouvernance en instaurant un véritable Etat de droit à même de rendre la RD Congo forte et prospère, de mettre l'armée dans les conditions qui lui permettent de répondre efficacement à sa mission de défendre et de sauvegarder l'unité et l'intégrité du territoire national ".

A cela, la Cenco a ajouté que le chef de l'Etat devrait aussi assumer ses responsabilités afin de redorer le blason de la Magistrature, particulièrement celui de la Cour constitutionnelle, de façon que le peuple ait confiance en la Justice. Dès lors, des friands de l'analyse de contenu trouvent de fortes similitudes entre les soucis de la Cenco et ceux de "Les Progressistes".

ET SI FATSHI RENCONTRAIT LES PREOCCUPATIONS

La date du 30 juin charrie toute tradition dans l'histoire politique de la RD Congo. Le rituel prévoit une adresse du Chef de l'Etat à ses concitoyens. Et, ce sera le tout premier message de l'actuel Président de la République, depuis son investiture le 24 janvier dernier.

Dans la plupart des cas, depuis un peu plus de deux décennies, la fête de l'Indépendance nationale en RD Congo est célébrée dans un environnement d'insécurité dans l'Est du pays. Cette fois-ci, la grogne sociopolitique est provoquée par les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant une trentaine de députés nationaux, au profit d'une trentaine d'autres.

D'ores et déjà, des analystes anticipent pour dire qu'au nom de la paix sociale, des Congolais attendent du Chef de l'Etat, d'importantes décisions dans son message à la Nation. La question est de savoir si dans son adresse, Fatshi devra donner suite aux préoccupations recoupées du regroupement politique "Les Progressistes" et de la Cenco. En tout cas, au stade actuel de la situation, d'aucuns pensent que seul le Président de la République, garant constitutionnel de la nation et du bon fonctionnement des institutions, détient la clef de la sortie de crise. Après son entretien avec le président de la Cour constitutionnelle, les Congolais attendent voir Fatshi aller jusqu'au bout, lui qui a donné un signal fort dans le sens de calmer les esprits et baisser la tension ambiante.

 GREVISSE KABREL / Forum des As