
Si l’on veut espérer voir se profiler la fin des crimes et atrocités dans la partie orientale du pays, il faut que tous les responsables puissent répondre de leurs actes devant une juridiction internationale.
Depuis 1998, la RDC lutte pour restaurer la paix dans l’est de son territoire et y mettre fin à l’insécurité. Cette insécurité, endémique et chronique depuis plus de trois décennies, a atteint un point culminant avec le déclenchement de la guerre de « libération » (de 1996 à 1997), qui a abouti au renversement du maréchal Mobutu par Laurent-Désiré Kabila. Entre 1998 et 2013, plusieurs conflits armés ont opposé la RDC à ses anciens alliés, le Rwanda et l’Ouganda, qui agissaient via de très nombreux groupes armés.
Léthargie internationale
Ce conflit sans fin est probablement le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. S’il est difficile d’estimer avec précision le nombre de morts dont il est responsable, plusieurs millions ont été évoqués dans certaines publications, tandis qu’un nombre tout aussi incalculable de personnes ont subi des violences et des exactions innommables. Malgré son mandat fondé sur le chapitre VII de la charte des Nations unies relative à la protection les civils, la mission de paix internationale n’est jamais parvenue à assurer la sécurité des populations. Certains massacres ont même eu lieu près de ses bases. L’épicentre du conflit reste situé dans les très riches provinces du nord-est du pays, le Nord-Kivu et l’Ituri, frontalières de l’Ouganda et du Rwanda, qui ont accueilli l’essentiel des réfugiés rwandais en 1994.
L’AMPLEUR ET L’HORREUR DES CRIMES COMMIS EN RDC RENDENT INCOMPRÉHENSIBLE LE SILENCE COMPLICE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Le gouvernement congolais tente, autant que faire se peut, de restaurer la paix dans cette partie de son territoire. Le nombre et la capacité des groupes armés ont été réduits. Aujourd’hui, ils ne sont plus en mesure de faire face frontalement à l’armée congolaise. Mais leur stratégie a changé : ils mènent aujourd’hui des actions terroristes. Lors d’attaques surprises, ils incendient les villages, tuent, pillent, volent, violent et s’enfuient dans les forêts denses et les montagnes de l’Est.
La Monusco dispose pourtant d’un budget annuel de plus d’un milliard de dollars. En octobre 2010, le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés a publié le Rapport mapping sur les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la RDC. Cette publication avait suscité l’espoir que les crimes commis dans l’Est par les groupes rebelles et les États voisins allaient connaître une suite judiciaire au niveau international…
SELON LE RAPPORT MAPPING, DE NOMBREUSES MULTINATIONALES ONT CONTRIBUÉ, DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, AU FINANCEMENT DE L’HORREUR EN RDC
Pourtant, peu de médias ont accordé de l’intérêt à ce rapport. Ou encore aux appels du Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais et Prix Nobel de la paix en 2018, qui soigne depuis vingt ans les personnes victimes de violences sexuelles. De très nombreux contrats léonins ont été signés entre les groupes rebelles et certaines entreprises. Ainsi, le Rapport mapping montre comment de nombreuses multinationales ont contribué, directement ou indirectement, au financement de la guerre et de l’horreur en RDC. Il y a donc des enjeux importants qui motivent ce silence complice et cette léthargie internationale. La profitabilité économique peut-être.
Cela peut expliquer le fait que la communauté internationale n’a pas voulu, jusqu’ici, créer un tribunal pénal international pour juger ces crimes. De façon assez biaisée, on s’emploie plutôt à présenter la RDC comme responsable des problèmes de la sous-région, alors même qu’elle n’est qu’une victime de son hospitalité.
Difficultés structurelles et opérationnelles
Pour tenter d’en finir avec ce conflit, Félix Tshisekedi a instauré l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu en s’appuyant sur l’article 85 de la Constitution congolaise, qui mentionne « des circonstances graves [qui] menacent, d’une manière immédiate, l’indépendance ou l’intégrité du territoire national, ou provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions ». Mais l’armée congolaise reste confrontée à des difficultés structurelles et opérationnelles. Elle a longtemps été minée par la corruption et l’indiscipline, qui sont les conséquences d’une politique de brassage et de mixage de ses différents éléments.
IL EST INCONCEVABLE QUE LA RDC CONTINUE D’ÊTRE SOUMISE À UN EMBARGO SUR LES ARMES ALORS MÊME QU’ELLE FAIT FACE À L’INSÉCURITÉ
Cette politique a consisté à dissoudre les Forces armées congolaises et à former un nouvel agrégat, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à partir des factions qui se sont distinguées par des pillages, des viols et des harcèlements de toutes sortes à l’encontre de la population civile. Enfin, il est incompréhensible que la RDC continue sans raison d’être soumise à un embargo sur les armes, alors même qu’elle fait face à l’insécurité sur son territoire.
Jeune Afrique