Les talibans ont perpétré des assassinats depuis leur retour au pouvoir malgré leur promesse d'amnistie, a affirmé jeudi 9 septembre l'émissaire de l'ONU en Afghanistan, Deborah Lyons, devant le Conseil de sécurité. « Il y a des allégations crédibles sur des meurtres de représailles de membres des forces de sécurité et de détention de responsables ayant travaillé pour de précédents gouvernements », a-t-elle dit.
Elle a néanmoins appelé la communauté internationale à maintenir les flux d'aides vers l'Afghanistan, avertissant que dans le cas contraire, l'économie du pays pourrait s'effondrer. Sans aide, l'Afghanistan vivra une « grave récession économique qui pourrait entraîner des millions de personnes dans la pauvreté et la faim, et pourrait créer une vague massive de réfugiés », a prévenu Deborah Lyons.
Les islamistes travaillent à la consolidation de leur pouvoir, à quelques jours du 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, point de départ de l'invasion occidentale du pays qui a chassé les talibans du pouvoir. Mercredi, le nouveau gouvernement taliban, nommé la veille, a donné un tour de vis pour éteindre la contestation en publiant un ordre stipulant que tout rassemblement devrait désormais être autorisé à l'avance par le ministère de la Justice et qu'aucun ne l'était pour l'heure.
Plusieurs rassemblements dispersés par les talibans
La menace des talibans semble avoir porté porté ses fruits puisque plusieurs manifestations ont été annulées jeudi à Kaboul après l'annonce du gouvernement. Jeudi, on remarquait dans les rues de Kaboul davantage de talibans armés que les jours précédents, dont des membres des forces spéciales en treillis, à des coins de rues et sur les barrages placés sur les grandes artères.
Ces derniers jours, plusieurs rassemblements de centaines de personnes pour la défense des libertés, donc de défiance à l'égard des talibans, ont été dispersés par des combattants armés talibans, notamment dans la capitale Kaboul, à Mazar-i-Sharif (Nord), Faizabad (Nord-Est) et Hérat (Ouest), où deux personnes ont été tuées et plusieurs blessées par balle.
Mercredi soir, deux journalistes de l'Etilaat Roz (« Jour d'info »), l'un des principaux quotidiens afghans, avaient montré à l'Agence France Presse leurs corps meurtris, couverts d'énormes hématomes violacés après une manifestation à Kaboul. Ils avaient raconté à l'Agence France Presse comment les talibans les avaient empêchés de filmer ou de photographier une marche de femmes, avant de les emmener au poste et de les tabasser pendant plusieurs heures « à coups de pied, de bâtons, de câbles, de tuyaux, de tout ce qu'ils pouvaient trouver ».
Les vols vers l'étranger depuis Kaboul reprennent progressivement
Ce jeudi 9 septembre a également été marqué par le premier vol d'évacuation de Kaboul vers l'étranger depuis fin août et le chaotique retrait américain. Un avion évacuant 113 personnes, dont des Américains, a rallié Doha depuis Kaboul. Ce vol s'est déroulé alors que le nouveau pouvoir des talibans s'organise, moins d'un mois après la marche victorieuse de ses combattants sur Kaboul.
Il s'agit du premier vol de ce type depuis le gigantesque pont aérien organisé par les Américains, qui a permis l'évacuation de plus de 123 000 personnes. Après les formalités de départ à l'aéroport, les passagers ont embarqué dans des bus sur le tarmac de l'aéroport puis gagné l'avion, sous la surveillance de gardes venus du Qatar.
Doha est très impliqué dans cette opération comme dans la relance de l'aéroport de Kaboul, qui a fermé après le retrait américain et tarde encore à rouvrir aux vols commerciaux. Le Qatar et son alliée la Turquie travaillent depuis plusieurs jours pour préparer les structures aéroportuaires de Kaboul à une réouverture progressive. Une tâche compliquée, tant l'aéroport a souffert des évacuations chaotiques de la fin août, menées alors que des milliers d'Afghans faisaient le siège de l'enceinte dans l'espoir de monter dans un des vols affrétés par les pays étrangers.
Washington reconnaît qu'il reste encore à exfiltrer beaucoup d'Afghans menacés pour avoir travaillé avec l'ancien gouvernement ou les pays occidentaux. Les talibans ont fait preuve de flexibilité et ils ont été professionnels dans nos échanges avec eux dans cet effort. « C'est un premier pas positif », a salué la Maison Blanche jeudi. Ils « ont fait preuve de coopération en rendant possible le départ de citoyens américains et de résidents permanents légaux » aux États-Unis, a-t-elle ajouté. Les talibans avaient assuré que tout Afghan ou étranger muni de papiers en règle pourrait prendre un vol commercial dès leur reprise.
Le Point
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