
l a fallu trente jours pour rendre public le gouvernement Bruno Tshibala, un transfuge de l’UDPS désormais au service de la Majorité au pouvoir. Comme elle l’a fait avec Samy Badibanga, la MP joue et gagne du temps par rapport à son plan de glissement. Vu de près, le nouveau cabinet n’est qu’une simple retouche de l’ancienne équipe aux fins du dernier sprint. Au fond, la MP a repris ses durs à cuire auxquels il a adjoint des pions dopés pour administrer un coup de grâce à l’accord du 31 décembre 2016 et à l’Opposition.
Le gouvernement Bruno Tshibala est enfin là. L’ordonnance de nomination des membres de ce gouvernement a été signée depuis le lundi 8 mai par le président de la République, mais n’a été rendue publique qu’hier mardi 9 mai en début d’après-midi à la télévision publique. Cette nouvelle équipe de l’Exécutif national est composée de 59 membres y compris le Premier ministre qui s’est pourvu d’un ministre près le chef du gouvernement. 3 vice-Premiers ministres trônent devant 9 ministres d’Etat, 35 ministres et 11 vice-ministres.
Le premier constat c’est que 39 membres du gouvernement Samy Badibanga, soit plus 70%, ont été reconduits. C’est la preuve que Bruno Tshibala n’a pas eu les mains libres pour former une nouvelle équipe susceptible de remplir les missions lui assignées par l’Accord du 31 décembre 2016, notamment. Autrement dit, le nouveau Premier ministre a mené des consultations pour rien. Au contraire, la besogne de débauchage dont il a été chargé s’était révélée laborieuse au point que la pêche n’a pas été miraculeuse. D’ores et déjà, il serait illusoire d’attendre que cet Exécutif atteigne les objectifs de l’Accord du 31 décembre 2016. La MP garde tous les ministères régaliens et contrôle l’essentiel des postes.
Un remaniement sournois
En apparence, le défi de ce gouvernement reste, entre autres, d’organiser prioritairement les élections selon le chronogramme arrêté au Centre interdiocésain. La tenue de premiers scrutins dont la présidentielle et les législatives nationales et provinciales est prévue avant fin décembre 2017. Ceci implique impérativement la sécurisation de l’ensemble du territoire national dont des foyers de tension ne font que se propager au rythme d’un feu de brousse.
L’Exécutif national doit arrêter des mesures économiques susceptibles de stabiliser et relancer l’économie nationale. De même, le social reste aussi un chantier incontournable dans la mesure où la dégradation économique a rongé sensiblement le pouvoir d’achat des Congolais.
Tous ces défis, Bruno Tshibala est tenu de les relever avec une équipe dont le contrôle lui échappe totalement. Plus de trois quarts des membres de cette équipe ont été imposés par la Majorité présidentielle et ses alliés. Au finish, les dissidents du Rassemblement n’ont pu obtenir que 9 postes dont deux ministres d’Etat, 6 ministres et 1 vice-ministre. Les frondeurs du Rassemblement n’ont eu aucun ministère régalien. La MP garde toujours la Défense nationale, l’Intérieur et Sécurité, les Finances et les Affaires étrangères.
Pourtant, lors des discutions directes, à l’étape de l’arrangement particulier, il a été entendu que la MP et le Rassemblement se partagent ces ministères régaliens. Bruno Tshibala n’a pas pu faire valoir quoi que ce soit à ce sujet. Rappelons-le, l’essence même de l’Accord du 31 décembre 2016 était de parvenir à une cogestion de la transition de manière à concéder à l’opposition une parcelle de pouvoir, aucune partie n’étant plus légitime en l’absence d’organisation d’élections au terme des délais constitutionnels. Ce dont se réjouit la MP après avoir tenu le coup au-delà du 19 décembre 2016.
C’est ce constat qui a justifié la cogestion de la transition afin de préparer dans la transparence le processus électoral mis à mal par les manœuvres dilatoires de la majorité au pouvoir. L’implication de l’opposition consistait à jouer au contrepoids du gouvernement de manière à aboutir à l’organisation des élections.
Ayant accepté de jouer le jeu de la MP, les dissidents du Rassemblement vont se contenter du rôle de figurants, n’étant pas en mesure d’accéder aux vraies manettes du pouvoir. Et dire qu’ils ont trahi pour avoir manqué de défendre le partage du pouvoir conformément à l’Accord du 31 décembre 2016. Il est dès lors permis de penser que ce gouvernement ne va pas atteindre ses objectifs, tels que consignés dans l’Accord de la Saint-Sylvestre. Les frondeurs du Rassemblement n’auront aucun idéal à faire valoir devant la toute puissance machine de la MP qui s’arroge tout pour des objectifs notoirement connus.
Pas de grande pêche pour les frondeurs
Concernant les entrées, Bruno Tshibala semble n’être pas parvenu à convaincre grand monde dans l’opposition radicale. C’est plutôt l’aile dissidente du Rassemblement de Joseph Olenghankoy qui propulse les nouveaux venus au sein de l’Exécutif. Il s’agit précisément de Tshibangu Kalala, nommé ministre délégué à la Primature. Le député Emery Okundji, frère cadet d’Olenghankoy, hérite, quant à lui, du ministère des Postes, Téléphones et Télécommunications. Tandis que Joseph Kapika, un transfuge de l’Udps proche de Bruno Tshibala, prend la direction du ministère de l’Economie. D’autres recrues comme Lisanga Bonganga, Eva Mwakasa, Lumeya Dhu Maleghi, Ingele Ifoto vont enrichir le cv.
S’agissant de Jean-Pierre Lisanga Bonganga, d’aucuns ne savent pas s’il faut en pleurer ou en rire. Jusqu’il y a quelques semaines, il soutenait Félix Tshisekedi avant de basculer dans le camp de Tshibala. Il décroche le portefeuille de ministre d’Etat chargé des Relations avec le Parlement. Elu sur les listes Udps de 2011, le député Papy Niango prend les commandes du ministère des Sports. Exclu de la Démocratie chrétienne, le parti de Diomi Ndongala, Freddy Kita se voit gratifié du portefeuille de la Coopération internationale.
Le Rassemblement se réorganise
Au Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, piloté par le tandem Félix Tshisekedi-Pierre Lumbi, personne n’est surpris par la mainmise de la famille politique du chef de l’Etat sur le gouvernement Bruno Tshibala. Ce qui devait arriver est finalement arrivé. Bruno Tshibala, Joseph Olenghankoy, Lisanga Bonganga et les autres ont été débauchés pour aider la MP à accomplir son agenda. Celui de retarder le plus possible la tenue d’élections et permettre la mise en œuvre du projet de référendum constitutionnel de manière à pérenniser l’actuel chef de l’Etat à la tête de la République démocratique du Congo.
C’est pour anticiper cette forfaiture que le Rassemblement cogite sur sa mutation. Il s’agira, renseigne-t-on au Rassemblement, d’adopter de vraies stratégies de combat politique susceptible de barrer la route à l’imposture. Pour cela, le Rassemblement, débarrassé de taupes qui travaillaient en interne pour le compte de la MP, projette la tenue de son conclave incessamment à Kinshasa.
Le peuple congolais qui est resté indifférent à la publication du gouvernement Tshibala sait que ses intérêts ne seront jamais pris en compte avec cette équipe. Dans leur écrasante majorité, les Congolais sont attachés à la dynamique du Centre interdiocésain. La communauté internationale va certainement ignorer cette équipe Tshibala. Plusieurs communications antérieures de l’Union européenne, du Conseil de sécurité des Nations unies avec la résolution 2348, et même de l’Union africaine, ne recommandent que la mise en œuvre intégrale de l’Accord de la Saint-Sylvestre.
Comme Samy Badinga, Bruno Tshibala va sûrement sortir par la petite porte. En foulant au pied les acquis de l’Accord global et inclusif du 31 décembre 2016, la MP est dans la logique de l’imposture. La publication du gouvernement Tshibala est un autre rendez-vous manqué.
Avec le potentiel








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