
Proche de Joseph Kabila, haut cadre du Front Commun pour le Congo (FCC), Me Tunda ya Kasende a appris avec consternation le décès inopiné d'Abdoulaye Yerodia Ndombasi, l'un des piliers du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), hier à Kinshasa à l'âge de 86 ans. Pour l'ancien Secrétaire général adjoint de cette formation politique, la disparition de ce patriarche constitue ''une perte'' pour le pays, d'autant que ''Yerodia est de la race des hommes qui sont nés avec le Congo dans le cœur''. Abordé par' 'Forum des As'', Me Tunda livre ses réactions à chaud. Maître Tunda, comment avez-vous accueilli la nouvelle du décès du sénateur Yerodia, l'un des pionniers du PPRD ? C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai appris la mort du Vice-Président de la République, Abdoulaye Yerodia Ndombasi. Cette nouvelle nous laisse perplexe, nous qui avons accueilli l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) à Kinshasa, sous la houlette de Mzee Laurent-Désiré Kabila. J'ai été personnellement bouleversé de perdre une personnalité de cette carrure, une personnalité aussi historique. Surtout lorsqu'on considère qu'il est parmi les rares gens qui sont nés avec la passion pour ce pays. Yerodia est, en effet, de la race des hommes qui sont nés avec le Congo dans le cœur... C'est-à-dire ? Ce patriarche est, en effet, de la trempe du Premier ministre Patrice Emery Lumumba. On a pour preuve le message que ce héros national a légué à sa femme dans une correspondance où il écrivait : "Même si je ne suis pas là, voici mes recommandations...". Ce sont donc ces genres de personnes qui sont prêtes au sacrifice suprême. Et ces personnalités sont bien rares dans l'histoire de notre pays. Comme elles sont peu nombreuses, quand elles meurent, elles laissent un vide difficile à combler. Surtout dans nos sociétés où les valeurs sont classées au bas de l'étage. Ceux-là donc qui constituaient pour nous des modèles, qui nous donnaient des exemples, lorsqu'ils disparaissent, c'est toute une école qui disparaît avec eux. Pour vous qui avez eu l'occasion de côtoyer le patriarche Yerodia, quelles sont les valeurs que vous retenez de lui ? J'aurais, moi, posé la question autrement. Car, s'il fallait juste relever les valeurs de Yerodia, ce serait comme si il y avait d'autres personnalités, et très nombreuses, qui avaient aussi leurs valeurs à elles. Or, aujourd'hui, nous remarquons qu'il y a quasi perte totale des valeurs dans notre pays. Des gens, pour la plupart, ont perdu des repères. On les voit, dès lors, s'accrocher aux matériels, ainsi qu'aux avantages visibles et immédiats. Or, le patriarche Yerodia, lorsqu'on le rencontrait, on se rendait vite compte qu'il était l'incarnation des valeurs, que beaucoup d'autres n'ont plus aujourd'hui… Pouvez-vous être plus explicite ? D'abord, sur le plan personnel, Yerodia était un homme sérieux. Très sérieux, vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres. C'était un homme organisé, au travail comme à la maison. Il faisait montre de l'amour du prochain. C'est vrai qu'il parlait le kikongo avec ceux avec qui il partageait la langue, mais il rendait des services à tous les citoyens qui venaient les lui demander. Beaucoup de cadres, des responsables de ce pays, ont connu leur ascension politique, leur apogée, à travers le sage Yerodia, tout en n'étant pas de sa tribu. C'est donc une personnalité qui alignait tant de valeurs qui devraient constituer des leçons pour nous tous. Des leçons de solidarité, d'amour, de travail bien fait... Car, à vrai dire, le vieux Yerodia restait très tard dans son bureau, malgré son âge. On ne pourrait pas ici énumérer toutes ses valeurs. Vous avez parlé de la vie privée de Yerodia. Qu'en était-il de sa vie publique ? Sur le plan national, Yerodia était un patriote. C'est quelqu'un qui défendait la souveraineté et l'indépendance du Congo. Et de ce point de vue-là, il ne transigeait pas. Pour lui, c'était le Congo ou rien. Et là, il n'y avait pas à le détourner de cette obsession-là. Ce qui lui a valu même des sanctions au niveau international. Voilà pourquoi beaucoup de cadres ici s'étaient battus pour que ces sanctions soient supprimées. Ce qui a été fait. Yerodia avait donc un principe clair : que le Congo devrait être uni. Qu'il ne devrait pas être divisé. Lui-même le disait : le Congo ne devrait pas être amputé, même pas d'un centimètre carré. Parmi ses principes, le patriarche défendait aussi la dignité du peuple congolais, qui était devenu la risée à l'étranger avant l'arrivée de l'AFDL. Il voulait que le Congolais soit digne à travers son comportement, à travers ses initiatives… Yerodia s'était aussi caractérisé par son look, ce gilet qui ne le quittait plus… Quel message voulait-il véhiculer ? Comme je l'ai dit ci-haut, Yerodia était un homme de principe. Il se nourrissait des principes tous les jours. Habitué comme un guerrier à ne porter rien que le gilet, ce révolutionnaire voulait se passer de la cravate, qui symbolisait pour lui l'Occident, la bourgeoisie. Ainsi, lorsque le Sénat a imposé la cravate et le costume à tous les intervenants qui voulaient prendre la parole, Yerodia a passé les sept à huit ans de son mandat, sur le banc de l'Hémicycle de la Chambre haute, sans prendre la parole, alors que tout le monde connaissait son éloquence, sa verve oratoire, la fluidité de ses idées... Il n'a donc pas changé, restant égal à lui-même. Yerodia était aussi reconnu comme un pilier du pouvoir des Kabila. Quelle leçon avez-vous retenue de ses rapports avec ses proches qui ont tous dirigé la RDC ? Je crois qu'il y a une autre valeur que nous ne pouvons pas oublier de lui, et cela restera une leçon pour nous tous. C'est la loyauté et la fidélité. Il est resté fidèle et loyal vis-à-vis de Laurent-Désiré Kabila. Et après Mzee Kabila, il a réitéré la même loyauté à l'égard de Joseph Kabila. Et il n'a jamais changé. Donc, c'est quelqu'un qui ne pouvait jamais changer, et personne ne pouvait le détourner de ses convictions. Ainsi, lorsque le maquis n'a pas tourné à Hewa Bora, il a pris le chemin de l'exil. Il a refusé de flatter quiconque pour avoir une parcelle de pouvoir, alors que son niveau intellectuel était très élevé en tant que Professeur de psychanalyse. Il n'a pas changé. Et il n'est revenu qu'en 1997 lorsque l'AFDL a libéré le pays.
Propos recueillis par Yves KALIKAT/ forum des As








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