
Quatre experts internationaux vont évaluer le préjudice subi par la République démocratique du Congo (RDC) lors de l’occupation de la province de l’Ituri par l’armée ougandaise entre 1998 et 2003. Dans une ordonnance rendue publique mercredi 23 septembre, les juges de la Cour internationale de justice (CIJ) ont mis fin aux tergiversations entre Kampala et Kinshasa pour tenter de faire avancer un dossier les opposant depuis quinze ans.
Un dossier rythmé par les aléas des alliances
Deux ans après la décision de la CIJ, les présidents Yoweri Museveni et Laurent-Désiré Kabila avaient validé la création d’un comité ad hoc chargé de négocier un compromis. Mais en 2015, les négociations échouent et Kinshasa décide de revenir devant les juges de la cour. De retour à La Haye, le dossier continue néanmoins d’être rythmé par les aléas des alliances entre les deux pays. En novembre 2019, Kinshasa et Kampala demandent un report des audiences pour « tenter de nouveau de résoudre amiablement la question », écrivent-ils à la cour. A l’époque, Félix Tshisekedi, soutenu par l’Ouganda, est élu depuis onze mois à la tête de la RDC.
Ce sont les 18 juges de la CIJ qui fixeront, dans les prochains mois, le montant des réparations, sur la base des conclusions des quatre experts, dont la mission est cadrée : ils doivent évaluer le nombre de civils morts en Ituri du fait de l’occupation ougandaise et déterminer le prix de la vie humaine en RDC à l’époque des crimes. Etablir aussi « la quantité approximative de ressources naturelles – or, diamant, coltan, bois – exploitées illégalement durant l’occupation » de la région par les forces ougandaises. La cour ordonne également aux experts d’évaluer les dommages matériels et de recenser les coûts de reconstruction des écoles, des hôpitaux et des habitations en Ituri, mais aussi dans la ville de Kisangani, plus à l’ouest, touchée par les combats de juin 2000. Les armées ougandaise et rwandaise s’étaient alors affrontées lors d’une guerre éclair de six jours faisant 1 000 morts, plusieurs milliers de blessés et d’immenses dégâts.
« Un premier montant symbolique »
Egalement président honoraire de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), M. Kitenge s’exprime depuis Kisangani, où les tensions restent vives. Le militant fait l’objet depuis plusieurs jours de menaces de mort visant aussi sa famille après avoir dénoncé la nomination d’un ancien chef rebelle comme commandant de région.
A Kisangani, victimes et société civile se mobilisent pour obtenir des réparations. En juillet, le gouvernement congolais s’est engagé à verser 1,5 million de dollars. « Un premier montant symbolique, qui peut permettre au Congo de montrer à la CIJ qu’il participe aussi », estime Dismas Kitenge. Les juges de La Haye avaient aussi pointé les responsabilités de Kinshasa dans la guerre. « Cette cour n’a pas de forces de police pour faire exécuter ses décisions, rappelle le militant. Il faudra que les Etats membres de l’ONU fassent pression sur l’Ouganda. Il faudra surtout que la RDC inscrive ces réparations dans son agenda diplomatique avec l’Ouganda, et cela sur le long terme, jusqu’à obtenir un engagement concret. » Au cours de l’été, l’Ouganda s’est opposé à deux reprises à une telle expertise, sans convaincre les juges.
La deuxième guerre du Congo aurait fait au moins 3 millions de morts, mais le volet ougandais n’en est qu’une partie. En 1999, Kinshasa avait aussi attaqué le Rwanda devant la CIJ, mais cette dernière s’était déclarée incompétente.
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