Depuis le 30 mars, les groupes armés, dont le M23, étaient cessés se retirer de leurs positions pour laisser la place aux soldats de la force régionale de l’East African Community (EAC), selon un calendrier adopté mi-février à Addis-Abeba. Mais comme pour les accords signés à Luanda ou Bujumbra ces derniers mois, l’échéance n’a, une nouvelle fois, pas été respectée. Depuis le 2 avril, les rebelles du M23 se font discrets dans certaines zones, comme Kishishe ou Bambo dans le Rutshuru, tout en restant très présents à Kilolirwe et Mushaki dans le Masisi. Idem pour la cité stratégique de Bunagana, à la frontière avec l’Ouganda, que la rébellion occupe depuis juin 2022. Le M23 est donc toujours bien place et se renforcerait même à Kibumba et Rugari.
De son côté, la force est-africaine de l’EAC se hâte lentement pour se déployer dans les zones rebelles. L’Ouganda, qui a envoyé 1.000 hommes supplémentaires dans la force régionale, est pourtant entré à Bunagana le 31 mars. Mais 5 jours après son arrivée, le M23 n’a toujours pas bougé, selon plusieurs sources locales. C’est bien là l’aspect ubuesque de la situation. La mission des soldats de l’EAC n’est pas de « combattre le M23 », mais d’être une « force neutre », chargée d’occuper les positions remises par le M23 après leur retrait. Le problème est que le départ du M23 se fait toujours attendre.
L’ambiguïté de la mission des soldats est-africains interroge de nombreux Congolais. Certains s’étonnent que l’Ouganda, soupçonné par un rapport des Nations unies d’avoir laissé entrer le M23 à Bunagana par leur frontière, fasse partie des continents déployés au Congo. « On laisse entrer le loup dans la bergerie » nous confie un membre de la société civile du Nord-Kivu. Le député André-Lubaya Claudel a d’ailleurs interpellé le ministre des Affaires étrangères pour connaître réellement la nature et la durée du mandat de la force régionale. Le gouvernement a toujours soutenu que le mandat de l’EAC était « offensif », alors que les présidents ougandais, ou tanzanien ont récemment affirmé le contraire. Un hiatus qui suscite la méfiance de l’opposition congolaise sur les réels motivations des pays contributeurs à la force est-africaine.Le flou plane également sur le statut des zones libérées par le M23. Les Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) ne semblent pas les bienvenues sur ces territoires. C’est du moins le message qu’a fait passer le M23 aux forces de l’EAC. Là encore, nombreux sont les Congolais qui s’en offusquent et attendent une position claire du gouvernement. Réponse qui se fait attendre. C’est donc une drôle de situation qui prévaut à l’Est du Congo. 6 armées régionales sont déployées dans le cadre de l’East African Community ; 10 armées étrangères contribuent à la mission des Nations unies (Monusco), dont certains pays, comme la Tanzanie participent aussi à la force régionale ; auxquelles se rajoutent l’armée congolaise et plus de 120 groupes armés. Autant dire que ce trop-plein d’hommes en armes, tout comme les multiples initiatives diplomatiques internationales ne font que rajouter de la confusion à un conflit déjà très complexe.
Trop d’armés étrangères, trop d’interlocuteurs diplomatiques sans coordination globale, trop de pays impliqués aux intérêts divergents rendent la sortie de crise des plus incertaines. La force régionale, qui a pour l’instant la main sur le déploiement militaire sur le terrain, n’a pas réussi à s’imposer face au M23 et s’est transformée en « force neutre », à la manière d’une Monusco-bis déjà largement impuissante. La présence des soldats kényans, burundais, ougandais, et bientôt angolais, n’ont fait que figer et geler la zone de conflit dans l’attente d’une possible médiation politique. Mais tant que le M23 sera en position de force militaire sur le terrain, et que le gouvernement congolais refusera toute négociation, il y a bien peu de chance de trouver la porte de sortie.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
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